Un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) publié en mars 2025, dénonce la situation préoccupante des mineurs détenus du Centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly :
(...)le quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly se composait de 17 cellules individuelles (fréquemment doublées) et de deux grandes cellules de près de 34 m 2, réparties sur deux étages. Les cellules étaient souvent dégradées et sales, avec des projections aux murs. Les mineurs avaient accès aux équipements de base au quotidien (télévision, téléphone, réfrigérateur). Le quartier disposait d’une grande cour intérieure et d’une cour de promenade, partiellement couverte, dont les murs étaient décorés de fresques colorées. Ces espaces manquaient cependant de mobiliers pour se reposer, d’équipements sportifs et d’éléments végétaux pour offrir aux mineurs un environnement stimulant et adapté à leur âge. Les deux douches extérieures situées dans la cour de promenade ne garantissaient pas non plus le respect de l’intimité des mineurs entre eux. Il convient de saluer les rénovations en cours de réalisation au moment de la visite afin que chaque cellule soit équipée d’une douche. (...)
En outre, la proximité avec les secteurs des personnes détenues adultes était
particulièrement problématique.
Le quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly était situé près du quartier des arrivants et d’un quartier de la maison d’arrêt pour hommes. Cette proximité leur permettait de communiquer avec les adultes, sans les voir, depuis la cour de promenade. Le quartier était d’ailleurs très bruyant. Le couloir où se trouvaient les bureaux et les salles d’activités utilisés par les mineurs pouvait également être emprunté par des personnes détenues adultes. (...)
Aucun mineur de plus de 16 ans n’avaient accès à la formation professionnelle au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly.(...)
La délégation a également constaté aux centres pénitentiaires de Rémire-Montjoly et de Baie-Mahault que les garçons pouvaient être placés à l’isolement à titre de sanction disciplinaire et exécuter leur sanction au quartier disciplinaire des hommes adultes, à la seule différence que la durée de la sanction ne pouvait excéder sept jours (pour les personnes mineures de plus de 16 ans) ou trois jours (pour les personnes mineures de moins de 16 ans)
Le CPT recommande à nouveau aux autorités françaises de modifier la loi afin d’interdire l’isolement disciplinaire des mineurs et rappelle la règle 60.6.a des Règles pénitentiaires européennes. Dans la pratique, les établissements devraient mettre un terme à l’isolement disciplinaire des mineurs sans attendre la modification législative (...)
La délégation a également observé que les mineurs étaient répartis en groupe selon des critères d’incompatibilités, d’affinités et d’âge, afin de réduire les risques de conflits, et en l’absence d’effectifs suffisants pour gérer les frictions et les incidents de manière adéquate. Au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, les 23 mineurs étaient répartis en trois groupes distincts. La gestion des huit mineurs placés au centre pénitentiaire de Baie-Mahault s’effectuait en cinq groupes différents (un groupe de trois, un groupe de deux et trois gestions individuelles). Cette gestion, décidée par une Commission pluridisciplinaire unique (CPU) et revue toutes les semaines, avait un impact direct sur le temps alloué aux personnes mineures pour établir des contacts avec d’autres personnes, participer aux activités et se rendre dans la cour de promenade.
Les mesures de gestion individuelle, dont la durée pouvait aller jusqu’à plusieurs mois, sont particulièrement problématiques ; d’autant plus que les mineurs concernés ne semblaient pas être informés de la durée de la mesure. Certains mineurs isolés pouvaient passer à peine deux à trois heures hors de leur cellule chaque jour. Une telle gestion pourrait s’apparenter de facto à un placement à l’isolement de la personne, avec des conséquences potentiellement graves sur sa santé mentale et somatique ainsi que sa capacité à préparer sa sortie.(...)
S’agissant des conditions matérielles, les dix cellules individuelles du quartier disciplinaire dédié aux hommes et aux garçons130 du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly mesuraient chacune 9 m2 (y compris la surface du sas d’entrée). Elles disposaient d’un accès à la lumière naturelle et à une ventilation adéquate. Elles étaient cependant souvent sales et délabrées. Chaque cellule était équipée d’un bat-flanc en béton avec un matelas, d’une table et d’un siège en béton ainsi qu’un bloc WC/lavabo en inox à la tête du lit, non cloisonné. A ce sujet, le CPT prend note des efforts de rénovation en cours. En outre, un système d’appel était installé dans le sas et accessible.
La configuration de ce sas barreaudé et les nombreux points d’attache sur la grille est un risque important pour les personnes susceptibles de se suicider. (...)
Dans chaque établissement visité, comme constaté par le passé, la délégation a recueilli plusieurs allégations concernant une pratique régulière, voir quasi-systématique, de la fouille à nu à la sortie des parloirs, y compris sur des mineurs.(...)
La délégation a vu des affiches officielles du ministère de la Justice, notamment au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, indiquant la procédure des fouilles intégrales, y compris l’obligation pour la personne détenue de se déshabiller intégralement. (...)
La qualité de la tenue des registres sur l’usage de la force et des moyens de contrainte variait fortement entre les établissements visités. Le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly était le seul où l’usage des menottes et de la force était systématiquement consigné, motivé et revu par la direction141. L’usage systématique des menottes lors des extractions (et de l’attente aux tribunaux), y compris sur des personnes mineures, en revanche, ne l’était pas.(...)
En raison de travaux de rénovation, l’unité de pédopsychiatrie Acajou disposait de six lits au lieu de 10, dont quatre occupés. En moyenne, les patients passaient deux semaines dans l’unité avant de rentrer chez eux. L’unité Acajou n’est pas considérée comme une unité fermée par l’administration de l’hôpital car les mineurs y sont hospitalisés avec l’accord de leurs représentants légaux et sont ainsi considérés comme des patients hospitalisés volontairement. Du point de vue du CPT, les mineurs étaient privés de liberté de fait, car la porte de l’unité était verrouillée en permanence et ils n’étaient pas autorisés à quitter l’unité sans autorisation.(...)
L’unité de pédopsychiatrie mixte Acajou était située au rez-de-chaussée d’un bâtiment de deux étages, à environ 300 mètres des unités Wapa et Comou. Elle était composée d’une cour intérieure entourée de cinq chambres doubles (dont deux n’étaient pas utilisées en raison de travaux en cours) et d’une infirmerie. La chambre d’apaisement était hors service depuis déjà plusieurs années. Les patients pouvaient accéder librement à la cour intérieure.
Le premier étage du bâtiment était occupé par une unité pour patients adultes dont les fenêtres donnaient directement sur la cour intérieure où se trouvaient les personnes mineures. Cette situation est loin d’être idéale, et la délégation a appris que c’était l’une des raisons pour lesquelles le CHC prévoyait la construction d’une nouvelle unité de pédopsychiatrie dans les années à venir. Toutefois, la délégation estime que les autorités françaises devraient étudier les mesures immédiates pouvant être prises pour protéger la vie privée des mineurs hébergés dans l’unité Acajou. Le CPT souhaite recevoir des précisions sur les travaux de remise en état de l’unité de pédopsychiatrie Acajou et sur l’état d’avancement du projet de construction d’une nouvelle unité de pédopsychiatrie.
En outre, le Comité recommande aux autorités françaises de prendre des mesures immédiates pour protéger la vie privée des mineurs hébergés dans l’unité Acajou et d’informer le CPT des mesures prises à cet égard.
Bien qu’il puisse faire très chaud dans les unités visitées en raison du climat tropical régnant en Guyane, aucune de ces unités n’était équipée de la climatisation ou d’un autre dispositif permettant de réguler la température intérieure. Le CPT est conscient des coûts, tant financiers qu’environnementaux, liés à l’utilisation de ces appareils. Néanmoins, avec les moyens dont elles disposent, les autorités françaises devraient s’efforcer de maintenir la température dans les unités à un niveau acceptable. Le CPT souhaite recevoir les observations des autorités françaises à ce sujet. (...)
L’unité pédopsychiatrique Acajou du CHC ne disposait pas de chambre d’isolement, mais utilisait, à l’occasion, celles des unités Wapa ou Comou pour y placer des jeunes âgés de 16 à 18 ans. Au moment de la visite, un adolescent de 16 ans était présent depuis un certain
temps dans l’une des chambres de l’unité Wapa. Par ailleurs, il arrivait, certes très rarement, que des patients mineurs soient attachés par des sangles, y compris pour une mmobilisation dans un dispositif à quatre points de fixation. La dernière immobilisation de ce type était intervenue en 2022, selon le personnel. (...)
sources : https://www.franceguyane.fr/regions/guyane/la-situation-preoccupante-des-mineurs-detenus-au-centre-penitentiaire-de-guyane-1029352.phpà partir de la page 44 du rapport (pdf) :
https://rm.coe.int/1680b4bb2a#
guyane #
mineursincarceres #
mineursdetenus #
remiremontjoly