Le travail domestique, qui est le moins intéressant, a été le plus difficile à organiser en syndicats. En 1881, les employées de maison rejoignirent les « Knights of Labor » (Chevaliers du travail) lorsque ceux-ci levèrent l'interdiction d'adhésion faite aux femmes37. Beaucoup plus tard, les syndicalistes qui essayèrent d'organiser la profession se heurtèrent aux mêmes obstacles que leurs prédécesseurs. Dora Jones fonda le Syndicat des Employées de maison de New York dans les années 193038. En 1939, cinq ans après la création du syndicat, 350 domestiques sur 100 000 s'y étaient inscrites. Si l'on considère les énormes difficultés d'organisation, ceci n'était pas une mince réussite.
L'histoire témoigne du peu d'empressement des femmes blanches, féministes comprises, à reconnaître les luttes des employées de maison. L'entreprise de titan que représentait l'amélioration de leurs conditions de travail les rebutait souvent. Cet oubli bien commode dans le programme passé et présent des féministes de la classe moyenne était souvent une manière déguisée, au moins pour les plus riches, de justifier l'exploitation de leurs propres employées. En 1902, l'auteur d'un article intitulé « La journée de neuf heures pour les domestiques » rapporta une conversation avec une de ses amies féministes en quête de signatures pour une pétition réclamant des chaises pour les employées :
— Les jeunes femmes, dit-elle, sont debout dix heures par jour et leur visage fatigué fait peine à voir.
— Madame Jones, répondis-je, combien d'heures par jour votre bonne reste-t-elle debout ?
— Eh bien, je ne sais pas, dit-elle, surprise. Cinq ou six je pense.
— À quelle heure se lève-t-elle ?
— Eh bien, à 6 heures.
— Et à quelle heure finit-elle le soir ?
— Oh, vers 8 heures en général.
— Cela fait quatorze heures.
— [...] Elle travaille souvent assise.
— Quand ? En faisant la lessive ? le repassage ? le ménage ? les lits ? la cuisine ? la vaisselle ? [...] Peut-être s'assoit-elle deux heures en préparant les légumes et en prenant ses repas, et pendant son heure de loisir, quatre fois par semaine. En définitive, votre bonne est debout au moins onze heures par jour, sans parler du fait qu'elle monte une vingtaine de fois l'escalier. Il me semble que sa condition est encore pire que celle des vendeuses de magasin.
Ma visiteuse se leva, les joues rouges et les yeux brillants.
— Ma bonne a son dimanche après-midi !
— Oui, mais la vendeuse a son dimanche entier. Je vous en prie, ne partez pas avant que j'aie signé cette pétition. Je serai ravie que les vendeuses puissent s'asseoir. #
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