Depuis quelques années, les manifestations, les débats et les événements politiques affichent un engagement contre le fascisme, mais à travers un seul prisme : celui du nazisme.
Cette vision réductrice tend à confiner le fascisme à l’histoire européenne du XXe siècle. Or, cette approche occulte une réalité bien plus vaste et complexe : le fascisme ne se limite ni à un pays ni à une période, et il s’est souvent développé sous des formes adaptées aux contextes coloniaux et impérialistes qui sont par essence racistes.À chaque fois que nous employons le terme les Blancs, nous ressentons le besoin de nous justifier, comme si parler de Blancs dans un cadre politique nécessitait immédiatement des explications, des précautions, des détours. Comme si cela risquait d’être mal compris, perçu comme une attaque plutôt que comme une analyse des rapports de pouvoir dans nos sociétés.
Le sentiment d’offuscation des blancs s’appelle « la fragilité blanche ». Comme nous sommes des personnes qui travaillons sur nos mauvaises habitudes, nous allons nous contenter cette fois-ci de les encourager à travailler leur fragilité blanche et simplement les renvoyer à des lectures essentielles sur la domination blanche et le racisme structurel, parce qu’il est aussi temps que ces sujets ne reposent plus uniquement sur les personnes racisées pour être expliqués, détaillés et mis en perspective. Après tout, celles-ci portent déjà un poids immense au quotidien, avec bien d’autres combats à mener, et n’ont ni le temps ni l’énergie de constamment éduquer les blancs au détriment de leur propre préservation.
Cet écrit ne se veut ni moralisateur ni donneur de leçons, mais se veut une réflexion sur « la panique collective » imposée par la gauche blanche face à la montée de l’extrême droite (ET de la droite extrême) au risque du fascisme. « Une peur bleue » empreinte d’hypocrisie et d’égocentrisme sous couvert d’un sentiment d’urgence.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est la panique qui s’empare des cercles de la gauche voire du centre, comme si cette menace surgissait de nulle part, comme si elle n’était pas la conséquence d’un terreau préparé depuis bien longtemps. Car au-delà de la peur du fascisme, il y a une autre question qui se pose : pourquoi l’antiracisme est-il toujours relégué au second plan dans ces combats ?
Depuis quelques années, les manifestations, les débats et les événements politiques affichent un engagement contre le fascisme, mais à travers un seul prisme : celui du nazisme. Cette vision réductrice tend à confiner le fascisme à l’histoire européenne du XXe siècle, en l’associant presque exclusivement à l’Allemagne hitlérienne et à l’Holocauste. Or, cette approche occulte une réalité bien plus vaste et complexe : le fascisme ne se limite ni à un pays ni à une période, et il s’est souvent développé sous des formes adaptées aux contextes coloniaux et impérialistes qui sont par essence racistes.
Pourtant, l’antiracisme, lui, est rarement au centre des discussions. Il apparaît souvent en accessoire, en complément, comme une simple pensée annexe. Il est convoqué pour donner une légitimité, ou pris pour caution voire pour rassurer certaines organisations et/ou montrer que l’on est du "bon côté". Mais il n’est pas intégré dans les luttes comme une matrice structurante.
L’antiracisme est devenu un élément de langage, une posture adoptée, une tendance et un produit du mainstream, sans réelle remise en question, notamment dans les milieux militants blancs de gauche. On brandit l’étiquette antiraciste sans toujours comprendre les implications profondes de ces combats, sans remettre en question les privilèges ou les dynamiques de pouvoir. Et c’est précisément cela qui nous inquiète pour la pensée décoloniale, qui risque de subir le même sort : être transformé en un concept récupéré, vidé de sa radicalité et utilisé tel une nouvelle mode pour cocher une case de plus dans le progressisme blanc.
Si aujourd’hui le fascisme prospère en Occident, ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas un phénomène brusque mais bien le résultat de décennies d’un racisme banalisé, décomplexé et légitimé. Il ne surgit pas de nulle part, il a été nourri, renforcé, ancré dans les discours politiques, dans les médias, dans les lois, dans les mentalités et l’imaginaire collectif. Ce monstre ne se renforce que lorsqu’on l’alimente, et l’histoire nous l’a prouvé à maintes reprises : le fascisme tire sa puissance de son meilleur carburant, le RACISME.
Et pourtant, on a tendance à séparer les deux. On s’insurge contre le fascisme tout en restant complaisant face au racisme systémique. On craint l’extrême droite, mais on tolère les discours et les politiques (à droite mais aussi à gauche) qui criminalisent, précarisent et stigmatisent les personnes racisées. On parle du danger du fascisme mais uniquement quand il est devenu menaçant pour certains.
L’hypocrisie et l’égocentrisme des milieux blancs de gauche s’expriment aujourd’hui de multiples manières : refuser de voir l’intersectionnalité des luttes ou, pire encore, faire semblant de ne pas voir, se cacher derrière une prétendue pureté militante tout en perpétuant, consciemment ou non, les mêmes schémas de domination patriarcale, coloniale et raciste.
Mais lorsqu’il s’agit de fascisme, soudain, l’indignation et les mobilisations se massifient et les discours deviennent pleins de ferveur et de « radicalité ». La menace concerne, cette fois-ci les Blancs directement. Là, on trouve du temps, des ressources, des slogans percutants, des tribunes dans les médias, et, presque par opportunisme, on reconnaît enfin le racisme ou accessoirement pour mieux justifier l’unité des luttes.
Le régime nazi a instauré une idéologie fondée sur la supériorité raciale, visant à exterminer les Juifs, les Tsiganes et les personnes non-blanches en général, les individus invalides ainsi que les personnes de la communauté LGBT. Historiquement, le nazisme est reconnu comme l’un des pires régimes fascistes en raison de sa politique d’extermination systématique et de sa volonté de déshumaniser les autres peuples.
Toutefois, les crimes coloniaux perpétrés par la France en Algérie et dans d’autres territoires démontrent que le système colonial français reposait lui aussi sur une logique d’oppression, de domination et d’extermination. Le colonialisme français repose lui aussi sur des principes de violence structurelle, de racisme institutionnalisé et de répression brutale. Cette violence institutionnalisée, fondée sur un racisme structurel et une brutalité extrême, est une forme de fascisme, dont les logiques et les méthodes ont inspiré le nazisme. Comme l’a récemment souligné Jean-Michel Aphatie avec justesse : « Ce ne sont pas nous qui avons imité les nazis, mais bien les nazis qui se sont inspirés de ce que nous avions fait en Algérie. »
Parmi les crimes coloniaux et fascistes commis par l’armée française en Algérie, certains rappellent les pratiques des nazis. Lorsque les villageois algériens se réfugiaient dans des grottes pour échapper aux massacres, les soldats français les y enfermaient en murant les entrées. Du bois était ensuite entassé à l’entrée des cavités, avant d’être incendié pour provoquer l’asphyxie des personnes piégées à l’intérieur. Cette méthode, connue sous le nom d’« enfumades », illustre une volonté d’extermination par suffocation, un procédé qui rappelle fortement les chambres à gaz nazies utilisées pour éliminer des populations entières.
Le fascisme ne s’est pas éteint avec la défaite d’Hitler, tout comme que les idéaux que son régime portait ; il a perduré et continue à faire ravage dans les pays colonisés. De récentes archives ont mis en lumière des faits longtemps occultés : l’utilisation d’armes chimiques par la France en Algérie durant « la guerre » d’indépendance (la France a fait la guerre à l’Algérie tandis que l’Algérie a mené des luttes contre la colonisation [fascisme]). Ces révélations confirment que la répression coloniale ne se limitait pas aux tortures, aux exécutions sommaires et aux massacres de civils qui sont des méthodes fascistes, mais qu’elle s’étendait à la pratique de guerre chimiques violant ainsi ses engagements internationaux. Des conventions internationales ont été signées après la Seconde Guerre mondiale notamment la Convention de Genève de 1949. Ces textes, censés garantir des droits fondamentaux en temps de conflit, ont marqué une avancée majeure dans le droit international humanitaire. Pourtant, dans la réalité, leur application a été et est toujours sélective. Elle accorde une protection prioritaire aux populations blanches des pays occidentaux, tandis que les peuples colonisés continuent de subir des violences extrêmes en toute impunité. Palestine, Congo, Kanaky, Mayotte, Soudan, Syrie, Lybie… autant que le nombre de colonies crée par les puissances impérialistes occidentales.
Le fascisme est une idéologie née en Occident, conçue par et pour les élites blanches, reposant sur la domination, l’exploitation et, dans de nombreux cas, l’extermination des peuples non blancs et de leurs territoires.
Historiquement, les fondements du fascisme, tels que le culte de la supériorité raciale, l’autoritarisme et la violence systématique, s’enracinent dans les pratiques coloniales des puissances européennes. Le fascisme ne peut être compris indépendamment du projet colonial : il en est l’héritier direct, perpétuant une vision du monde fondée sur la hiérarchie raciale et la violence comme moyen de contrôle.
Le fascisme ne peut exister sans le racisme, tandis que le racisme, lui, peut perdurer indépendamment du fascisme. Tant que les questions liées au racisme ne seront pas résolues, il sera impossible d’éradiquer le fascisme. Les fascismes ne sont rien d’autre que l’expression ultime du racisme poussé à son paroxysme.
Nous écrivons avec une profonde amertume, car si le fascisme suscite aujourd’hui une inquiétude grandissante, c’est avant tout en raison des conséquences qu’il pourrait avoir sur les Blancs. Mais ce que l’histoire nous a déjà enseigné, et que l’on feint d’oublier, c’est que ce sont d’abord les personnes non blanches qui en subiront la violence la plus brutale.
Comme toujours !
l’ARAR, collectif décolonial
@arar_decolonial
source : https://expansive.info/C-est-toujours-quand-ca-arrange-les-Blancs-5356#
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