13 mai 2024. Le centre commercial « Kenu In » part en fumĂ©e dĂšs la premiĂšre nuit de lâinsurrectionMalgrĂ© le volontarisme des autoritĂ©s coloniales françaises, qui annoncent jour aprĂšs jour Ă grand renfort de communiquĂ©s un retour Ă la normale, la situation en Nouvelle-CalĂ©donie est loin dâĂȘtre rĂ©glĂ©e quatre semaines aprĂšs le dĂ©clenchement de lâinsurrection dâune partie de la jeunesse kanak. Et certains signes ne trompent pas, comme le maintien du couvre-feu (18h-6h) au moins jusquâau 17 juin, la rĂ©quisition de stations-service Ă destination exclusive des flics et militaires qui vient seulement dâĂȘtre levĂ©e le 8 juin, ou encore le fait que lâaĂ©roport international de La Tontouta reste fermĂ© « jusquâĂ nouvel ordre ». Seul lâaĂ©rodrome de Magenta est de nouveau ouvert aux vols commerciaux depuis le 5 juin, soit aux vols internes Ă la Nouvelle-CalĂ©donie vers Lifou, OuvĂ©a et MarĂ©, et prĂšs de 500 touristes français sont ainsi toujours bloquĂ©s sur lâĂźle depuis trois semaines. Quant au Nord de la Nouvelle-CalĂ©donie, câest lâarmĂ©e qui se charge directement de lâapprovisionnement (et donc du rationnement et des prioritĂ©s) des magasins, en gĂ©rant les containers qui arrivent par barge jusquâĂ KonĂ©.
Ă lâheure actuelle, malgrĂ© la pression des 3500 flics et militaires envoyĂ©s sur place, une partie des barrages sont encore remis en place par des insurgĂ©s kanak aprĂšs leur dĂ©mantĂšlement, dans les quartiers de NoumĂ©a ou le long de la route de 50 kilomĂštres qui mĂšne Ă lâaĂ©roport, sans oublier parfois de les piĂ©ger avec des bonbonnes de gaz ou mĂȘme de prĂ©parer quelques surprises-maison pour les bleus : le 4 juin Ă DumbĂ©a, un gendarme est par exemple tombĂ© au fond dâune bouche dâĂ©gout, en marchant sur des branchages placĂ©s dessus afin dâen masquer lâouverture. «
Dâune profondeur de 1m20, des fers Ă bĂ©ton de 2 mm de diamĂštre avaient Ă©tĂ© positionnĂ©s au fond Ă la verticale pour crĂ©er des pieux. Le gendarme sâest empalĂ© au niveau dâune jambe et un pieu mĂ©tallique sâest infiltrĂ© entre le gilet pare-balles et le gilet de corps qui a Ă©tĂ© percĂ© mais sans pĂ©nĂ©tration, grĂące Ă la plaque en kevlar ».
Au total, sur cet archipel de 270 000 habitants, ce sont 212 policiers et gendarmes qui ont Ă©tĂ© blessĂ©s depuis le 13 mai, mais aussi un nombre important de Kanak que les autoritĂ©s se refusent officiellement Ă comptabiliser, mais dont on sait quâil est important et de façon parfois trĂšs grave : plusieurs insurgĂ©s ont perdu un Ćil ou ont les os du visage fracassĂ©s suite Ă des tirs policiers de flash ball, dâautres prĂ©sentent des blessures par balles et sont dans le coma.
Gendarmes assassins
Deux exemples rĂ©cents : le 29 mai Ă DumbĂ©a vers 20h, lors de lâattaque dâun barrage par les flics, ces derniers essuient de nombreux jets de pierre mais aussi un tir de fusil. Le GIGN rĂ©plique et tire six fois « vers » le tireur. Un insurgĂ© est griĂšvement blessĂ© : «
En dĂ©pit dâune intervention chirurgicale, son pronostic vital est toujours engagĂ©, les constatations mĂ©dico-lĂ©gales faisant Ă©tat de la prĂ©sence de deux projectiles, lâun au niveau du thorax et lâautre Ă lâĂ©paule ».
Puis le 3 juin vers 16h au col de la Pirogue, au niveau du barrage de la tribu de Saint-Laurent, sur la route stratĂ©gique menant Ă lâaĂ©roport international, les gendarmes ouvrent le feu sur des insurgĂ©s kanak (qui dâaprĂšs les pandores auraient dâabord tirĂ© sur leur vĂ©hicule) : lâun se prend une balle dans lâĂ©paule, et un autre dans la tĂȘte.
On a appris samedi 8 juin que ce dernier, Lionel PaĂŻta, Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© Ă lâhĂŽpital, portant Ă huit le nombre de morts sur le territoire (cinq Kanak dont deux originaires de Canala, une de MarĂ©, un de PoindimiĂ©, un de PaĂŻta / un caldoche Ă Kaala-Gomen qui avait tirĂ© contre un barrage / deux gendarmes, dont un tuĂ© par un collĂšgue).
Inutile de dire que dans une telle situation, de folles rumeurs tournent sur le nombre de « disparus » bien au-delà des 8 morts officiels, tandis que les prisons de Nouméa et de Koné se remplissent à ras bord et que des prisonniers Kanak sont déportés en Polynésie et à Fresnes, le bilan officiel annonce 726 gardes à vue, 115 renvois devant le tribunal et 60 mandats de dépÎts depuis le 13 mai.
Lâindustrie du nickel
Pour le dire rapidement, la Nouvelle-CalĂ©donie possĂšde un quart des rĂ©serves mondiales de nickel, exploitĂ©es dans des mines Ă ciel ouvert, pour alimenter trois usines de transformation pyromĂ©tallurgiques. Les deux premiĂšres produisent du ferronickel, un mĂ©lange de qualitĂ© moindre qui sert Ă lâacier inoxydable, et la troisiĂšme du nickel de qualitĂ© batteries (destinĂ© essentiellement Ă Tesla depuis 2021).
La premiĂšre usine (
Koniambo Nickel, KNS), celle aux mains des indĂ©pendantistes kanak dans le nord, est Ă lâarrĂȘt depuis fĂ©vrier 2024 et le retrait de son actionnaire de rĂ©fĂ©rence, le gĂ©ant suisse du nĂ©goce des matiĂšres premiĂšres
Glencore. LâactivitĂ© est depuis uniquement concentrĂ©e sur le maintien de lâintĂ©gritĂ© des fours (si le four dâune usine mĂ©tallurgique sâarrĂȘte en nâĂ©tant plus alimentĂ© en minerai ou en Ă©lectricitĂ©, non seulement cela peut lâendommager dĂ©finitivement si lâarrĂȘt est brusque, mais il faut aussi des mois pour le redĂ©marrer).
La seconde usine, celle historique de la SLN fondée en 1880 (
Société Le Nickel, propriété à 56% du groupe français
Eramet, lui mĂȘme dĂ©tenu Ă 27% par lâĂtat français) situĂ©e Ă Doniambo, Ă©tait dĂ©jĂ en cessation de paiement avant lâinsurrection, et maintenue artificiellement en vie grĂące un prĂȘt de lâĂtat de 60 millions dâeuros en fĂ©vrier dernier. De plus,
Eramet souhaite elle aussi se dĂ©barrasser de ses activitĂ©s de mĂ©tallurgie en Nouvelle-CalĂ©donie, notamment depuis quâelle exploite la plus grosse mine de nickel au monde de
Weda Bay, sur lâĂźle dâHalmahera (IndonĂ©sie) au beau milieu de forĂȘts primaires, et quâelle vient dâobtenir de gigantesques concessions dâextraction de lithium au Chili et en Argentine. En Kanaky, avec lâensemble des cinq sites miniers qui lâapprovisionnaient bloquĂ©s depuis quatre semaines, tandis que son stock de minerai a fini par sâĂ©puiser, sans parler des Ă©meutes qui se dĂ©roulaient Ă quelques centaines de mĂštres de son usine, câest elle qui est lâobjet de plusieurs opĂ©rations contre-insurrectionnelles de lâĂtat français.
Quant à la troisiÚme usine, dite du Sud et située à Goro, propriété du consortium
Prony Resources, elle est Ă©galement en cessation de paiement, et ne survit que grĂące Ă un prĂȘt de lâĂtat français de 140 millions dâeuros accordĂ© en mars. Son actionnaire de rĂ©fĂ©rence, le nĂ©gociant suisse
Trafigura, souhaite revendre ses parts depuis des mois, et le fameux « contrat du siÚcle » signé en 2021 avec
Tesla est bien loin déjà . Comme pour la SLN, les activités de
Prony Resources sur mine comme Ă lâusine sont arrĂȘtĂ©es depuis le dĂ©but de lâinsurrection, mĂȘme si son procĂ©dĂ© hydro-mĂ©tallurgique est diffĂ©rent de celui des deux autres usines de lâarchipel.
7 juin 2024. La « Mutuelle du nickel » et la BNP nâont pas Ă©chappĂ© aux incendiaires Ă DumbĂ©aAu fond de cette insurrection de la jeunesse kanak, en plus de la colonisation, du racisme, de lâhumiliation et de la galĂšre, se trouve donc Ă©galement lâenjeu du nickel, dont les usines pyromĂ©tallurgiques qui fournissent toute la richesse artificielle de lâĂźle (90 % des exportations de lâarchipel et 25% des emplois) Ă©taient dĂ©jĂ quasiment en faillite ou en
stand by avant le soulĂšvement. Ce qui concerne dâailleurs lâensemble des trois principales forces en prĂ©sence sur lâarchipel, avec lâusine du Nord (kanak), du Sud (loyaliste) ou de lâĂtat (SLN). En dix ans, lâIndonĂ©sie est en effet passĂ©e de 0 Ă 55 % de la production mondiale de nickel (contre actuellement 5 % pour la Nouvelle-CalĂ©donie) avec des capitaux chinois, ce qui a fait sâeffondrer les cours de prĂšs de 43% rien quâen 2023, grĂące Ă une main dâĆuvre et un prix de lâĂ©lectricitĂ© aux coĂ»ts imbattables.
Face Ă cela, lâĂtat tente depuis des mois de redresser une colonie quâil ne veut lĂącher Ă aucun prix, en tentant de nĂ©gocier avec le gouvernement calĂ©donien (composĂ© des partis loyalistes comme indĂ©pendantistes, et dirigĂ©s par ces derniers) un «
Pacte nickel » Ă 200 millions dâeuros de subventions sur le coĂ»t de lâĂ©nergie, avec pour contrepartie que les usines sâengageraient Ă fournir en prioritĂ© le marchĂ© europĂ©en des batteries pour vĂ©hicules Ă©lectriques ; que ce gouvernement local augmente fortement les impĂŽts ; quâil autorise lâexportation de beaucoup plus de minerai brut ; et quâil restitue provisoirement la compĂ©tence du code minier Ă lâĂtat.
En somme, ce «
Pacte nickel » qui a connu huit moutures depuis novembre 2023 et nâest toujours pas signĂ©, est un projet visant Ă intensifier lâextractivisme du nickel Ă destination de la mĂ©tropole, qui transformerait la Kanaky en un territoire purement minier, dĂ©finitivement enchĂąssĂ© dans un cadre nĂ©o-colonial. A lâinverse des fameux accords de NoumĂ©a de 1998, censĂ©s acheter la paix sociale, et qui prĂ©voyaient dâutiliser la rente miniĂšre pour favoriser le dĂ©veloppement de la Nouvelle-CalĂ©donie jusquâĂ sa possible indĂ©pendance (dâoĂč les trois rĂ©fĂ©rendums sur cette derniĂšre de 2019 Ă 2021, la cession de mines et dâune usine Ă la bourgeoisie kanak, et la crĂ©ation dâun gouvernement local).
Le « Pacte nickel » vient donc heurter Ă la fois les politiciens kanak qui misaient sur cette ressource pour fonder leur indĂ©pendance Ă©conomique (en mode âLâĂtat veut nous voler notre nickelâ), Ă la fois la jeunesse kanak urbanisĂ©e qui dĂ©nonçait dĂ©jĂ les politiciens corrompus et qui ne voit jamais la couleur de tout le fric dĂ©versĂ© sur lâarchipel, ou encore les collectifs de kanak en tribu qui constatent de plus en plus les ravages engendrĂ©s par lâintensification de lâextractivisme (sur la pollution des riviĂšres, la santĂ© ou les glissements de terrain), et commencent Ă prĂŽner une indĂ©pendance qui chasserait lâĂtat français mais aussi les mines.
On comprend dĂšs lors pourquoi le vote au SĂ©nat le 2 avril puis Ă lâAssemblĂ©e le 15 mai du dĂ©gel du corps Ă©lectoral nĂ©o-calĂ©donien (bloquĂ© depuis 1998), ayant pour consĂ©quence de pĂ©renniser numĂ©riquement la colonisation de lâarchipel, a pu ĂȘtre lâĂ©tincelle dâune insurrection qui a dĂ©vastĂ© mĂ©thodiquement commerces et industries de la capitale de lâĂźle.
DĂ©truisant 570 entreprises et provoquant plus de 1,5 milliard dâeuros de dĂ©gĂąts directs, selon le dernier bilan du haut-commissaire (prĂ©fet) Louis Le Franc, rendu public le 7 juin.
Les politiciens kanak perdent le contrĂŽle et appellent en vain au calme
Lorsque la situation a explosĂ© le lundi 13 mai Ă lâoccasion du blocage du grand NoumĂ©a, aprĂšs six mois de mobilisations contre le dĂ©gel du corps Ă©lectoral (dont des manifestations de 3000 personnes fin novembre, 5000 le 25 fĂ©vrier, 15 000 le 28 mars et 60 000 personnes le 13 avril), les politiciens kanak ont rapidement perdu tout contrĂŽle, et ont non seulement appelĂ© au calme, mais aussi condamnĂ© les actes des insurgĂ©.es.
Face aux groupes de jeunes kanak mobiles, autonomes, pilleurs et destructeurs, câest au nom de la CCAT (
Cellule de coordination des actions de terrain) que Christian Tein a lancé un appel au calme dÚs le 14 mai sur la radio indépendantiste
Radio Djido : «
Jâen appelle Ă lâensemble de nos jeunes de lever le pied. De rester lĂ oĂč ils sont, sur les bords [de route],
organisĂ©s, structurĂ©s. La CCAT nâa jamais appelĂ© Ă piller les magasins », tout en sollicitant Ă©galement les parents pour «
ne pas laisser [les jeunes]
partir dans tous les sens. » Une ligne qui ne variera pas, si bien que le 15 mai dans un communiqué, cette cellule précisera «
notre combat pour la Kanaky libre sera long et semĂ© dâembĂ»ches, aussi la CCAT appelle tous les citoyens mobilisĂ©s sur le terrain Ă lâapaisement et au respect des consignes », et idem le 31 mai oĂč elle ajoutera encore que «
la CCAT nâa jamais appelĂ© Ă la violence, au saccage ou Ă nuire aux personnes⊠[Elle]
ne cautionne pas les actes de vandalisme. Ces actes ne doivent pas ternir notre lutte pour le bien de tous les citoyens du Kanaky.»
Mais revenons au 14 mai, puisque ce mĂȘme jour Daniel Goa, prĂ©sident du principal parti indĂ©pendantiste du FLNKS, lâ
Union calĂ©donienne (UC, par ailleurs Ă lâorigine de la crĂ©ation de la CCAT en novembre 2023), a Ă©galement publiĂ© son communiquĂ©, dans lequel il appelait «
notre jeunesse Ă garder son calme, Ă faire preuve de patience et Ă cesser toutes exactions, tous pillages qui ne nous honorent pas. Ce nâest pas cela la dignitĂ© et la liberté⊠Les pillages orchestrĂ©s cette nuit sont notre dĂ©shonneur et ne servent aucunement notre cause et notre combat, au pire ils le retardent⊠Ce nâest pas cela le visage dâun Kanak. Nous ne volons pas chez nous, nous sommes dignes. A tous les chefs dâentreprise touchĂ©s dans leur chair, leurs biens, leurs projets de faire vivre le Pays, je leur apporte notre entier soutien, toute notre compassion et notre grande dĂ©sapprobation. Les outils de travail doivent ĂȘtre sanctuarisĂ©s. »
Le 14 mai également, Louis Mapou, membre du deuxiÚme principal parti indépendantiste du FLNKS, le
Palika (Parti de libération kanak), et président du gouvernement local de la Nouvelle-Calédonie depuis 2021, a lui aussi appelé dans un communiqué «
au calme et à la raison », ajoutant que «
toutes les raisons des mĂ©contentements, des frustrations et des colĂšres ne sauraient justifier de mettre Ă mal ou de dĂ©truire ce que le pays a pu construire depuis des dĂ©cennies et dâhypothĂ©quer lâavenir. »
Enfin, rajoutons que mĂȘme les autoritĂ©s kanak traditionnelles sây sont alors mises en vain, comme le SĂ©nat coutumier prĂ©sidĂ© par Victor Gogny, qui sortait son communiquĂ© solennel, dans lequel il enjoignait quâ «
il est impĂ©ratif que la jeunesse fasse preuve de retenue et de civisme, et privilĂ©gie le dialogue et la concertation pour exprimer ses revendications et ses aspirations lĂ©gitimes. » Vite rejoint dâailleurs par le Conseil national des chefs (
Inaat ne Kanaky, créé en 2022), toujours le 14 mai au lendemain de la premiÚre nuit insurrectionnelle, venu à son tour «
appelle[r]
la jeunesse au calme, à la sagesse et au respect des consignes données par les responsables ».
Et pour conclure, câest directement le FLNKS (
Front de libĂ©ration nationale kanak et socialiste) qui a sorti le 15 mai sa propre position sur lâinsurrection en cours, qui est pour le moins explicite sur son rĂŽle de co-gestionnaire de la colonie depuis les accords de Matignon (1988) puis de NoumĂ©a (1998) : «
Le FLNKS, engagĂ© dans le dĂ©veloppement Ă©conomique et social du Pays dĂ©plore les actions perpĂ©trĂ©es contre les entreprises et apporte son soutien aux chefs dâentreprises et salariĂ©s impactĂ©s⊠Il appelle Ă la levĂ©e des barrages pour permettre le libre accĂšs de la population aux produits, services et besoins de premiĂšres nĂ©cessitĂ©s. Cet appel est Ă©galement adressĂ© Ă lâensemble des autoritĂ©s politiques, coutumiĂšres de ce pays afin que chacun lĂ oĂč il est, contribue Ă ramener la sĂ©rĂ©nitĂ© et le calme auprĂšs de nos populations. »
Une demande entendue par des membres du CCAT qui faute dâavion pour pouvoir rentrer au pays, tenaient ce mĂȘme 15 mai un meeting au CICP de Paris, lors duquel Romuald Pidjot, secrĂ©taire adjoint de lâUnion calĂ©donienne, a prĂ©cisĂ© que «
le rĂŽle de la CCAT sera dâessayer de calmer ces jeunes, mais on aura besoin de lâaide de lâĂtat », tandis que Rock Haocas (responsable du syndicat USTKE et coordinateur gĂ©nĂ©ral du
Parti travailliste, lâautre grande composante du CCAT) ne pouvait que dĂ©plorer : «
La guerre urbaine, ce nâest pas ce quâon a voulu, mais les jeunes sont arrivĂ©s Ă un stade quâon ne contrĂŽle plus. On est dans une phase de rupture, et ce nâest pas faute dâavoir averti ».
2 juin 2024. Incendie volontaire du convoyeur de nickel Ă NĂ©poui, alors quâil devait charger dâurgence un minĂ©ralier pour lâusine de la SLN de NoumĂ©aSaboter lâindustrie du nickel
Depuis le dĂ©but de lâinsurrection, on pouvait lĂ©gitimement se demander ce quâil en Ă©tait de la situation des mines et usines de nickel en matiĂšre de sabotages (ou pas). En dehors de la capitale NoumĂ©a, constellĂ©e de barrages, de pillages et dâincendies provoquĂ©s par de jeunes insurgĂ©.es kanak, quâen Ă©tait-il par exemple « en brousse » et « en tribu », oĂč vit la moitiĂ© de la population kanak ? MĂȘme si on se doute bien que les informations ont du mal Ă filtrer, il semble que ce soient principalement les structures miniĂšres de la
SLN (soit de lâĂtat) qui aient Ă©tĂ© attaquĂ©es, mais aussi celle de
Prony Resources (soit lâusine du Sud des loyalistes) :
- à Thio, sur la cÎte Est, le convoyeur à bandes (sorte de tapis roulant) de la mine de nickel qui permet de charger les minéraliers au bord de mer a été endommagé. Les mines du Plateau et du Camp des Sapins ont également été attaquées, avec des pillages et des destructions.
- Ă Kouaoua, toujours sur la cĂŽte Est, le convoyeur du minerai jusquâau quai de chargement de la baie, nommĂ© « la serpentine » et long de 11 kilomĂštres, avait subi son douziĂšme incendie en dix jours, le 1er juin dernier.
- Ă NĂ©poui, un village situĂ© au centre de la cĂŽte Ouest, un minĂ©ralier est arrivĂ© le 2 juin de toute urgence, afin de charger 19 000 tonnes de nickel Ă ramener illico vers NoumĂ©a, afin dâapprovisionner lâusine SLN de Doniambo qui avait fini ses trois semaines de stocks, et risquait que ses fours soient « irrĂ©mĂ©diablement endommagĂ©s ». Sauf que patatras, au beau milieu de la nuit une partie du convoyeur a Ă©tĂ© incendiĂ©, touchant une centaine de mĂštres du tapis-roulant. RĂ©sultat, le minĂ©ralier chargĂ© est arrivĂ© Ă bon port avec un jour de retard (le 4 juin), sachant que lâusine de Doniambo a dĂ©sormais besoin de recevoir un tel bateau tous les trois Ă quatre jours pour fonctionner. Depuis, la SLN a envoyĂ© un second minĂ©ralier, mais cette fois beaucoup plus au nord (du cĂŽtĂ© de la mine de TiĂ©baghi, Ă Koumac), en souhaitant que les jeunes kanak lui soient moins hostiles.
- à Houaïlou, un village de la cÎte Est, le Centre de Formation aux Techniques de la Mine et des CarriÚres (CFTMC) situé sur la mine de Poro, a été réduit à néant : « Tous les outils de formation, engins miniers, salles de cours, simulateurs de conduite ont été saccagés, vandalisés et brûlés. » Il formait les jeunes souhaitant travailler dans le secteur minier.
- Ă NoumĂ©a, dĂšs le 9 mai vers 4h du matin, le vigile positionnĂ© sur le quai avait Ă©tĂ© calmĂ© par des inconnus, avant que les amarres du ferry Prony Express dĂ©diĂ© au transport des employĂ©s de lâusine Prony Resources ne soient sectionnĂ©es. La vedette maritime Ă©tait alors partie Ă la dĂ©rive. Puis Ă Goro, situĂ© au sud de lâĂźle Ă 1h30 en voiture de la capitale, le 23 mai câest directement lâusine de Prony Resources qui a Ă©tĂ© attaquĂ©e et a perdu deux vĂ©hicules. Depuis, elle est gardĂ©e jour et nuit par 35 vigiles du groupe de sĂ©curitĂ© privĂ©e Erys, mais le complexe industriel et minier est encore loin de pouvoir redĂ©marrer, et a mĂȘme dĂ©clenchĂ© le 7 juin son « Plan particulier dâintervention » (PPI), un programme visant Ă renforcer sa sĂ©curitĂ© face aux menaces extĂ©rieures. En lâoccurrence, « les perturbations actuelles nous ont contraints Ă arrĂȘter nos opĂ©rations. Nous faisons face Ă une interruption de lâapprovisionnement en eau brute depuis le lac de YatĂ© mais Ă©galement, depuis le 4 juin, nous ne sommes plus alimentĂ©s en Ă©lectricitĂ© » a dĂ©taillĂ© le gĂ©ant industriel il y a quelques jours, sans oser parler de sabotagesâŠ
7 juin 2024. Les engins miniers du « Centre de Formation aux Techniques de la Mine et des CarriĂšres » rĂ©duits en cendres Ă HouaĂŻlouPour quâune insurrection ne meure pas, elle a par exemple besoin dâapprofondir et de dĂ©passer ses contradictions internes, mais aussi dâoxygĂšne, de beaucoup dâoxygĂšne. A chacun.e, ici, au sein de la mĂ©tropole coloniale française qui est en train dâĂ©craser les insurgĂ©.es kanak qui nâont pas encore baissĂ© les bras (ni les armes), de lui en donner un maximum. Par solidaritĂ©, ou tout simplement par haine de son propre ĂtatâŠ
[SynthĂšse de la presse locale et pas que, 8 juin 2024]
NB : cet article fait suite à « Nouvelle-CalĂ©donie : lâEtat colonial face aux prisonniers kanak » (1er juin)
https://sansnom.noblogs.org/archives/21808« En Kanaky, rien nâest fini⊠» (25 mai)
https://sansnom.noblogs.org/archives/21644et « Le chiffre du jour en Kanaky : 400 et 1 » (21 mai)
https://sansnom.noblogs.org/archives/21547
15 mai 2024. L « âInstitut de formation des professions sanitaires et sociales » de Nouville (NoumĂ©a), dĂ©truit par les flammes
idem
26 mai 2024. Lâ « Institut agronomique calĂ©donien » (IAC), qui dĂ©veloppe la filiĂšre forĂȘt et bois, entiĂšrement pillĂ© et saccagĂ© Ă PaĂŻta
2 juin 2024. Lâunique CFA (Centre de formation des apprentis) de lâarchipel, pillĂ©, saccagĂ© puis incendiĂ© Ă 90% par les Ă©meutiers.
idem
source de cet article : https://sansnom.noblogs.org/archives/21895#
kanaky #
nouvelleCaledonie #
kanakynouvellecaledonie #
nickel